Bad trip

@Aaron

Il est très tôt lorsqu'Aaron est tiré du sommeil. Il le comprend par la faible luminosité blanche passant à travers les persiennes de fortune.
Il entend les bruits assourdissants de bric à brac que l'on retourne dans l'atelier de Moshé. Ses narines frétillent aussi à l'odeur forte d'une infusion qu'il reconnaissait. Il était rare que son mentor la prépare, cela n'annonçait rien de bon. Il n'avait jamais pu en gouter et n'en connaissait pas les réels effets. Ce n'était pas pour le enfants soit disant... Il ne pouvait que deviner ce qui se passait dans son esprit lorsque ses yeux se révulsaient, lorsqu'il semblait quitter son corps.

L'instinct ne lui laisse pas le temps de se lever, de parler, de réfléchir même: Aaron sent sa main gauche voler vers sa ceinture. Avant d'avoir atteint leur cible imaginaire, ses doigts heurtent un peu durement la fourrure de Glouton qui, lové sur son ventre une seconde plus tôt, piaille et va se réfugier dans un coin de la petite chambre.

Tu l'as jeté, tu te souviens ? Il n'y a plus rien à ta ceinture, même plus le fourreau, imbécile.

Le réveil est plus difficile qu'à l'accoutumée, comme si son esprit demeurait englué dans quelque vestige de cauchemar persistant. Cette odeur étrange y est peut-être pour quelque chose. L'infusion ! Il saute sur ses pieds sans prendre le temps de se vêtir, jette un coup d’œil coupable en direction du fennec à la fourrure de sable et se rue dans l'atelier de Moshé vêtu d'un simple pantalon de toile.

Moshé est en train de retourner toute ses malles, sortant tout un tas d'objets absurdes et probablement inutiles aux yeux d'Aaron. Il marmonne mais ne fait pas attention à lui. Alors qu'il se rapproche le jeune homme sursaute à l'aboiement d'un molosse. Chomsky se tenait là, tranquille, ses yeux mornes le surveillant alors qu'un filet de bave pendait de ses babines.

Aaron reste interdit quelques secondes à vision du molosse.

"Chomsky ? Mais qu'est-ce que tu fais ici ?"

Il s'approche de l'animal, bras tendus, les deux paumes bien en vue; en temps normal il ne craindrait rien, mais le comportement de Moshé indique clairement que quelque chose cloche. Mais qu'est-ce qu'il y dans cette infusion, nom de nom? Son regard passe rapidement de son vieux maître au chien.

"Moshé ? Est-ce que Dulovik est ici ? Est-ce qu'il est de retour ?"

Il avance à pas mesurés vers Chomsky, dans l'espoir manifeste de l'amadouer.

Le molosse aboie à son approche et ne bouge pas, l'éclaboussant de bave par la même.

Moshé

"Naaaan! Naaan Dulovik n'est pas là! Aide moi à chercher!" demande-t-il de sa voix enraillée et un peu confuse. Il se met à tousser, un peu trop fort.

Aaron ferme les yeux un peu trop tard pour échapper à la bave de Chomsky, et s'essuie du revers de la main, visiblement en rogne. Il prend une grande inspiration - et grimace en sentant l'haleine du molosse - avant d'expirer longuement.

Ayant retrouvé un semblant de calme intérieur, il se dirige vers Moshé d'un pas décidé, en priant tous les petits dieux d'Hébron pour que le chien n'en profite pas pour l'attaquer, et met sa main sur le front du vieil homme pour prendre sa température.

"Chercher quoi, Moshé ?"

Puis, plus doucement, comme pour apaiser le vieil homme:

"Chercher quoi ?"

Le molosse ne bouge pas, le fixant de son air pataud. En l'observant bien Aaron remarque que son poil s'est clairsemé et a aussi blanchi à certains endroits.
Moshé n'est pas chaud, mais reste très agité.

Moshé

"Ma boussole ! Il faut retrouver ma bousole!!" Il a l'air totalement dépassé.

La conscience d'Aaron est tiraillée entre trois axes de réflexion entièrement distincts - l'état de santé de Moshé, le molosse, la boussole. Son regard balaie le sol quelques secondes, cherchant instinctivement l'objet, mais sa discipline prend vite le relais.

Il ferme les yeux un instant, puis se dirige vers l'établi de fabrication des potions et infusions; ses gestes sont calmes et mesurés, mais son regard est presque fébrile; ses yeux cherchent des restes d'éléments pouvant lui indiquer la composition de la fameuse infusion secrète. Ce faisant, il tente d'apaiser son mentor à distance avec un flot de paroles rapides, mais au ton presque affectueux :

"Je vais trouver ta boussole, Moshé, OK ? Je vais la trouver, elle ne peut pas être loin. Assieds-toi une seconde sur le sol; tu m'as toujours appris qu'il était parfois nécessaire d'adopter un autre point de vue pour avoir une meilleure vue d'ensemble, non ? Ca vaut aussi pour les boussoles perdues, non ? Assieds-toi une seconde, tu verras, ça ne pourra que te faire du bien."

Moshé secoue la tête, le regard lointain. Il se laisse entrainer et s'assied.
Aaron n'avait rien vu ressemblant à une boussole dans le bazar ambiant et l'infusion avait une odeur tellement forte qu'elle lui fait retrousser les narines. Difficile d'identifier quoi que ce soit sur un simple coup d’œil et de nez.

Moshé

"Je dois aller le chercher, c'est le moment, c'est le signe, L'animal est là pour me guider!" souffle-t-il tel un dément.

Les pensées Aaron tourbillonnent; trop de paramètres, trop de priorités à classer, et cette odeur, cette odeur infâme qui lui faisait tourner la tête... Il avait besoin de quelqu'un, il avait besoin qu'on le guide. L'angoisse lui noue le ventre.

Les murmures de Moshé lui donne une idée soudaine : Dulovik. Si le chien était là, il était peut-être dans les parages, lui aussi ? Lui saurait quoi faire.

Aaron se rapproche doucement du molosse, en lui parlant sur un ton doucereux, qui conviendrait mieux à un animal plus petit et beaucoup plus amical :

"Mène-moi à Dulovik, mon chien ! Bon chien, bon chien, c'est un bon chien !"

Il lui aboie de nouveau dessus, un son sourd, raisonnant dans la pièce essentiellement métallique. Cela ne manque pas d'éclabousser de nouveau Aaron. Chomsky se lève, il est quasiment aussi grand qu'Aaron, et tourne sur lui même avant de s’asseoir droit comme un i de nouveau et d'aboyer, comme prêt... difficile de savoir à quoi cependant...

Aaron ne prend même plus la peine d'essuyer la bave du molosse et se masse les tempes, yeux fermés.

Il se remémore les paroles de Moshé, et fixe son mentor avec un froncement de sourcils incrédule. Tu as testé toutes les solutions le plus stupides... Alors vas-y, en désespoir de cause, humilie-toi complètement : pars du principe que les délires du vieux fou ont un sens.

Il s'approche de son maître et passe un bras sous son aisselle pour le redresser, puis tente de le faire avancer en direction de Chomsky.

"Ok, Moshé. L'animal est là pour te guider. Espérons juste que tu aies raison, pour changer."

(Je peux faire un jet au fait, si besoin, je suis autant dans le flou qu'Aaron à ce stade . Est-ce qu'on part du principe que j'ai un petit contrôle narratif sur Glouton pour ses actions basiques, genre suivre Aaron ?)

Moshé

Moshé secoue la tête. "Il faut aller en surface, tout préparer! Et ma boussole!"

Chomsky se relève et va vers la porte de l'atelier, aboyant comme s'il attendait Aaron.

(Oui, oui je te laisse gérer Glouton pour les choses simples. On jettera les dès pour des exploits, et ce sera avec les stats d'Aaron et ses atouts et apprentissages. C'est comme si tu avais deux pj en un )

( ok cool )

D'abord secoué par la vague d'événements imprévus, Aaron sent un calme nouveau l'envahir au fur et à mesure que les brumes du sommeil achèvent de se dissiper. Il réalise soudain qu'il n'a pas respecté la discipline que le vieil homme lui a inculqué avec force durant toutes ces années. Il fait asseoir Moshé sur une chaise de bois, lance un "Je reviens ! Bouge pas, Chomsky !" en direction du chien et file dans sa chambre.

En quelques gestes rapides, il enfile une tunique claire et son manteau de toile grossière, passe ses sandales et s'équipe de son sac de médecin à bandoulière.

Dès sa première année d'apprentissage, Moshé lui a appris à organiser ses souvenirs à la manière d'une maison bien ordonnée ; de construire cette maison dans un coin de sa tête. Aaron a choisi de la modeler à la manière d'une demeure d'en haut, une de ces bâtisses de pierre blanche qui tutoient la surface. Un jour, alors que son mentor opérait un notable à domicile, il a pu entrer dans l'une d'elle ; les couleurs, les formes et les textures qu'il y a découvert l'ont marqué à jamais.

Il ferme les yeux et obéit à sa routine matinale habituelle : il pénètre en esprit dans la pièce principale du rez-de-chaussée de sa maison intérieure, qui est éclairée d'une lumière blanche et douce ; là est entreposé tout son savoir et son comportement de guérisseur. C'est là qu'il se réfugie lorsque Moshé est ailleurs, ou qu'il est en proie à une crise. Il passe rapidement en revue tout ce qui constitue le rôle qu'il joue au dehors ; inspire tranquillement. Puis son esprit se dirige vers la sortie, en passant rapidement à côté de la porte de la cave, là où il a enfermé les souvenirs du sang et de la terreur de l'enfance ; là où il ne va plus jamais.

Il ouvre les yeux une seconde plus tard ; siffle Glouton, qui vient se lover dans le large col de son manteau ; ressort de sa chambre.

"Allons-y, Moshé. Nous trouverons ta boussole, ne t'en fait pas. Il est temps de sortir." Seul ton frère peut m'éclairer à présent.

Moshé était désormais juste en slip, s'était peint des signes étranges sur le corps et commençait à faire pareil au sol.

Chomsky était prêt à partir, aboyant, la queue remuant de gauche à droite rapidement.

Aaron se passe une main sur le visage, sentant l'armure mentale qu'il venait de revêtir se fendiller peu à peu - puis se calme, et décide d'aborder cet obstacle à la manière d'un guérisseur.

Il s'accroupi près de Moshé, tentant de décrypter les symboles étranges, puis lui dit d'une voix douce, qu'il espère convaincante :

"Il faut partir, Moshé ; la surface nous appelle. Que faut-il que je fasse pour te convaincre de me suivre ?" Vieux fou déplumé !, ajoute-t-il de sa voix intérieure - accès de frustration qu'il refoule bien vite.

Moshé est totalement parti dans son délire et ne semble pas l'entendre. Aaron est tiré en arrière par Chomsky qui avait refermé sa mâchoire baveuse sur sa tunique en grognant.

Aaron est traîné en arrière comme un fétu de paille emporté par le vent. Il sent Glouton se blottir dans son col.

"Oh, maintenant tu veux bien partir avec moi, Chom ? Ok, ok, je viens ! Bon chien !"

Il se laisse entraîner dehors.

Chomsky le lâche et se met à courir dehors, prenant la direction du Grand Marché.

Vite essoufflé, Aaron se met à courir aussi vite que ses jambes le lui permettent, slalomant difficilement entre les passants. Peu habitué à cette allure, Glouton manque soudain de tomber de ses épaules et se maintient en plantant ses griffes dans la toile peu épaisse au niveau de ses épaules; Aaron grimace et tente de maintenir le rythme jusqu'au Grand Marché.

Chomsky l'attend régulièrement mais lui fait en effet tenir un rythme assez effréné. Aaron bouscule plusieurs personnes et le chiens fait clairement peur. A plusieurs reprises il manque créer des incidents. Il accélère en montant dans les hauteurs du marché et se met à aboyer et grogner comme un fou, agressivement.

Zeke , on ne peut plus à cran, tache de garder ses armes cachées tant bien que mal derrière son pardessus élimé.
"Qu'est ce qu'il a ton clébard? Tiens le bon sang!" éructe-t-il à l'attention de son maitre... qu'il ne reconnait pas sur le moment.

Aaron se plie en deux, complètement essoufflé, puis se redresse avec la volonté de calmer Chomsky.

Son regard se glace lorsqu'il s'arrête sur le visage de Zeke. Il crie, en tentant de surmonter sa respiration sifflante :

"Pas le mien, bon sang ! Les chiens fous se reconnaissent entre eux on dirait ! Chomsky, arrête ! Pas envie de le recoudre lui aussi ! Qu'est-ce que tu fous là ? Tu bosses pour le vieux maintenant ? Si le chien s'arrête c'est p'tet que t'as l'odeur de son maître sur toi !"

Son regard glisse du chien à l’adolescent à plusieurs reprises.
“Ptêt bien? Comme qu’il s’appelle ton vieux?” finit-il par lui demander l’air de rien en tâchant de se donner un genre.
Il recule un brin pour garder un peu de marge vis à vis du clébard et lance des regard aux alentours à la recherche de son équipe

Zeke ne remarque pas encore son équipe dans le fourmillement matinal du marché. L'énorme chien semble âgé, son poil originellement noir est parsemé de blanc. Ses yeux et ses babines tombent exagérément.
Il s'assied un peu maladroitement et grogne cependant en sa direction.